A vouloir trop en faire, on finit par se tirer une balle dans le pied

Publié le par the idiot

Comprendra qui voudra

 

Bret Easton Ellis 5

 

Récits d'un voyage dans les méandres de la culture

vol. 14

 

Après le festival littéraire organisé par la librairie Shakespeare & Company, Festival & Co auquel j'ai participé en juin dernier,le week-end passé j’ai travaillé sur le deuxième grand événement organisé à Paris et consacré à la littérature anglophone ; Festival America. Organisé par la librairie Millepages à Vincennes, le festival se tient tous les deux ans et est consacré aux littératures d’Amérique du Nord et d’Amérique centrale (en gros, les Etats Unis, le Canada, le Mexique, Cuba et Haïti). Pour cette cinquième édition le thème était celui de la ville et plus de soixante auteurs de renom étaient invités.

Première déception ; à notre arrivée au festival nous avons appris les désistements de dernière minute de plusieurs écrivains très attendus dont James Frey, Colum McCann et Louise Erdrich. Conjugués à ceux de Gus Van Sant et de Warren Ellis, ces annulations ont un peu gâché la fête. Restaient quand même de nombreux auteurs et plusieurs jours de vente pour se délester quelque peu d’un stock très important de livres (plus de 80 cartons que j’ai du trimballer du 6ème jusqu’à Vincennes à 7h30 vendredi dernier).

A la différence de Festival & Co, le Festival America est un événement de grande ampleur qui se déroule dans plusieurs pôles à Vincennes. Coincé au salon du livre, lieu consacré uniquement à la vente, je n’ai pas pu me dégager assez de temps pour assister aux conférences et autres tables rondes. J’avoue que de toute manière, les rencontres-auteurs à la française me gonflent un peu. Alors que, dans la tradition anglo-saxonne, ces rencontres partent du texte, commençant avec une lecture par l’auteur de son texte qui dure souvent de vingt à trente minutes pour aboutir à une séance de questions/réponses avec le public, en France elles démarrent souvent avec un débat autour du livre animé par un quelconque journaliste pour se conclure par une lecture brève. Je trouve que cette formule a tendance à se révéler pédante et académique au plus haut point, laissant de côté l'essentiel de ce qui fait le livre.

Barry Gifford 1J'ai pu tout de même rencontrer quelques auteurs lors de leurs passages sur le stand pour dédicacer leurs livres. La majorité des stands étaient tenus par des libraires au nom d’un éditeur, mais étant donné que nous vendions les livres en anglais nous n’avions pas de véritable obligation quant aux auteurs qu’on recevait. Les choses se sont faites selon les disponibilités de chacun et nous avons donc eu la chance d’accueillir Nick Flynn, dont  j'ai déjà évoqué l'excellent récit autobiographique, Encore une nuit de merde dans cette ville pourrie. J’ai pu un peu en discuter avec le bonhomme qui s’est révélé fort sympathique et il nous a confié que son livre allait être adapté au cinéma, avec notamment Casey Affleck et Robert De Niro au casting. Après une première mouture ratée, le scénario actuel lui plait malgré le déplacement de l'action vers New York, ce qui semble peu approprié tant les rues de Boston hantent son écriture. Nous avons aussi reçu la tête d’affiche indiscutable du festival en la personne de Bret Easton Ellis, venu présenter son nouveau roman Suite(s) impériale(s). Véritable machine à dédicacer, l’écrivain s’est montré très courtois et patient avec ses lecteurs et autres chasseurs d’autographes (la grande plaie de ce genre de manifestation). Avec son emploi du temps de ministre, il ne s’est pas éternisé sur le stand mais sa présence a permis d’écouler une grande partie de notre stock. Parmi les autres auteurs, nous avons aussi reçu Barry Gifford (auteur de la saga Sailor & Lula dont David Lynch a tiré un film et scénariste de Lost Highway du même réalisateur), John Biguenet (écrivain de la Nouvelle Orléans dont La Vie secrète des huitres vient de paraître en France) et Matteo Pericoli (un dessinateur qui a publié un livre sur New York).

John Biguenet 2

Pour une fois que c'est quelqu'un d'autre qui a l'air de s'emmerder (John Biguenet)

Voilà en somme ce que j’ai pu voir de ce festival. C’est à dire pas grand-chose. Ça ressemblait pas mal au salon du livre qui se tient chaque année à la porte de Versailles, une très grande librairie où l’on retrouve aussi bien de fervents lecteurs que des badauds égarés tombant pour la première fois nez à nez avec un livre, l'air de se demander à quoi ça peut bien servir. Bilan du week-end ; je suis quand même reparti avec des premières éditions dédicacées de Imperial Bedrooms d’Ellis et de The Ticking is the Bomb de Flynn, ainsi que d’un Sailor & Lula: The Complete Novels dédicacé par Barry Gifford, mais aussi plein d’envies de lecture (encore) et, enfin, le sentiment qu’un festival tous les deux ans, c’est largement suffisant.

Veuillez excuser l'inutilité de cet article.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
<br /> <br /> Certainement, mais c'est une tradition qui se perd et on n'a plus forcément les codes pour l'appliquer...<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> <br /> Ben c'est un peu comme le théâtre ou les conteurs qui reviennent d'ailleurs à la mode. Quand je vois un mec qui est capable de tenir la même histoire sur 15 minutes ou sur 2 heures je suis assez<br /> scotché par cette capacité à retenir l'attention des auditeurs avec la voix et une narration quasi improvisée. Le théâtre c'est chouette, mais ça coute tellement cher que j'ai peu la chance d'y<br /> aller.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> J'ai rarement rencontré d'assez bons lecteurs pour me faire oublier le côté "étrange" de la situation. Mais en effet, Lucchini est hypnotisant quand il lit (j'ai vu un spectacle où il lit<br /> Barthes, Flaubert et je ne sais plus qui).<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> <br /> J'y vois rien d'étrange. La littérature puis ses origines dans l'oralité après tout, l'écriture et la lecture ne s'étant finalement développés que comme moyen de garder une trace du passé.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> La question des yeux, c'est quelque chose qui se pose souvent parce que t'en as une au club de lecture qui est spécialiste de la lecture de passages (souvent long et rébarbatifs) pour illustrer<br /> son propos et c'est vraiment quelque chose qui m'ennuie, à tel point que je ne vais pas aller à la rencontre d'auteur du prochain club de lecture (aussi parce que l'auteur ne m'intéresse pas du<br /> tout).<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> <br /> Ben c'est pas pareil d'écouter un auteur lire son propre texte (surtout s'il est bon lecteur) et écouter quelqu'un d'autre le lire (même si Luchini qui lit du Céline ça vaut carrément le coup).<br /> Ca peut révéler des subtilités à côté desquelles on est passé à la lecture. Puis, parfois la musicalité d'un texte à l'oral peut faire son charme.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Je sèche: Avary, c'est qui?<br /> <br /> <br /> Oh, j'oubliais Gaiman, que j'ai adoré écouter lire son livre par contre, mais Gaiman est très bon lecteur et très agréable à regarder, du coup le problème d'où poser son regard ne se pose pas<br /> (sérieux, c'est un truc qui me perturbe, parce que quand c'est un intime, tu peux le regarder, mais quand c'est un inconnu, tu fais quoi, tu regardes dans le vide? Au risque de vexer le lecteur?<br /> Tu le regardes? Au risque de l'incommoder? Je ne sais jamais quoi faire).<br /> <br /> <br /> Ahlala, l'art de prendre une photo au bon moment...<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> <br /> Avary c'est le coscénariste de Pulp Fiction et le type qui avait déjà réalisé le médiocre Les Lois de l'attraction d'Ellis. Tes yeux, je sais pas ce que t'en fais. Ce que tu<br /> veux. Tu les fermes ou tu regardes les gens autour de toi. Ou tu regardes le lecteur s'il est passionnant. Pour Breytenbach, je n'étais pas dans la tente quand il lisait alors la question ne se<br /> posait pas, j'étais assis dans le parce à l'écouter sur un haut parleur.<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Arch, j'ai complètement oublié de te demander de demander à Brest Easton Ellis si la rumeur du projet d'adaptation de Lunar Park par Richard Kelly était vraie. Damned.<br /> Je vais rarement aux rencontres avec auteurs parce que je n'aime ni la formule à la française dont tu parles, ni celle que tu lui préfère (j'aime qu'on me lise des livres en privé, ou écouter des<br /> audiobooks, mais je déteste rester en public à écouter quelqu'un qui lit). Par contre, j'ai assisté à une rencontre avec Thomas Gunzig selon une formule qui m'a bien plu: présentation de l'auteur<br /> par un ami présentateur, sur un ton humoristique. Il a retracé son parcours, très intéressant d'ailleurs, fait une première pause question, puis à parlé de ses livres, toujours sur le ton de la<br /> rigolade, avec deuxième salve de questions. Du coup, on a vraiment eu l'impression de faire une "rencontre" et non d'assister à une séance de frottage de manches. Mais ça demande certainement de<br /> ne pas avoir un auteur très connu je suppose.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> (purée, qu'est-ce que vous faites à ces manifestations pour que tout le monde ait l'air de s'embêter comme ça? o_O)<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> <br /> Hmm, je sais pas pour Lunar Park, la presse parle pas mal de celui de Glamorama qui est tombé à l'eau parce que Avary est en taule. J'aime bien écouter un auteur lire son propre<br /> texte, bon ça dépend un peu de ses qualités de lecteur bien sûr. Mais écouter Breytebach parler de Darwish, de leur amitié, de leurs exils respectifs, il y a peu de choses qui m'ont autant ému au<br /> cours de ma vie. Mais bon, j'étais face à un homme d'une intelligence et d'une gentillesse rares, alors même s'il y avait pas mal de monde ça ne changeait pas grand chose. (Je suis méchant, sur<br /> la photo, John était entrain de discuter avec quelqu'un, et sur les autres les auteurs ne s'embêtent pas du tout). Disons juste qu'un festival c'est assez épuisant, alors tout le monde a une<br /> gueule qui fait de la peine.<br /> <br /> <br /> <br />