En bref : Martha Marcy May Marlene de Sean Durkin
Dans la droite lignée d’Une femme sous influence et de Portrait d’une enfant déchue, respectivement de John Cassavetes et Jerry Schatzberg, Martha Marcy May Marlene livre au cinéma l’un de ses rares portraits touchants de femme brisée, un rôle porté avec brio par la jeune et talentueuse Elizabeth Olsen. Mais pour son premier long-métrage, à la nervosité du premier et la touche avant-gardiste du second, Sean Durkin préfère saisir l’intranquillité de son personnage au travers d’une mise en scène qui soumet chaque plan au joug d’un calme angoissant. Martha, qui sera successivement connue comme Marcy May ou encore Marlene, a passé les deux dernières années de sa vie au sein d’une communauté qui navigue quelque part dans les eaux troubles entre la secte et le rassemblement de hippies new age dominé par un guide spirituel qui a tout du gourou le plus classique. Les premiers plans du film décrivent avec une concision impressionnante les coutumes et le fonctionnement de cette communauté avant de montrer la fuite de Martha qui rejoint sa sœur Lucy sans pour autant s’affranchir de son récent passé. Le film mêlera dès lors le présent et les souvenirs de la jeune fille qui cherche à s’adapter à un mode de vie oublié mais dont l’incapacité à ce faire remet sans cesse en question l’idée de normalité. Le calme avant la tempête est un cliché, mais Martha Marcy May Marlene l’incarne avec une puissance innovante tant chaque scène, toutes filmées avec une étonnante et rafraîchissante douceur, augure de l’inexorable explosion d’un terrible conflit intérieur. Opérant sur le mode de la litote, Durkin réussit ici à nous faire ressentir énormément de choses par la plus simple suggestion. S’il est vrai que le film pèche par quelques défaillances scénaristiques, la casuistique employée par le guide spirituel n’est pas franchement convaincante et l’ensemble aurait sans doute gagné à laisser les détails les plus sordides de l’ordre du non-dit tant l’emprise de la crise identitaire sur Martha est parfaitement exposée sans recourir à la lourdeur de l’accentuation, Sean Durkin est assurément un réalisateur prometteur sur la future carrière duquel il faudra se pencher avec la plus grande attention.
Comme pour La Taupe, j’ai encore une fois été plutôt déçu par la copie numérique. On y perçoit pas mal de bruit et les noirs sont extrêmement ternes. Pourquoi s’obstine-t-on donc, d’une part, à opter pour ce type de projection pour des films qui n’en profitent de toute évidence pas et, par ailleurs, à prendre les spectateurs pour des cons en augmentant sans cesse le prix des séances alors même que leur qualité se détériore ? Et là je ne parle même pas des spectateurs toujours plus irrespectueux d’autrui qui vont voir tout et n’importe quoi puisque, avec leurs abonnements mensuels, cela ne leur coûte de toute manière rien sauf leur temps et que, si eux ne profitent pas de ce temps si bêtement dépensé, autant gâcher celui des autres. C’était le coup de gueule du mois.