Exhumé : Walkabout (La Randonnée) de Nicolas Roeg

Publié le par Marc

Walkabout (La Randonnée)
Walkabout
Réalisé par Nicolas Roeg
(1971)

L’intrigue du deuxième film de Nicolas Roeg tient en peu de mots. Une adolescente anglaise et son jeune frère sont amenés dans l’outback australien par leur père, lequel essaye de les tuer avant de mettre fin à ses jours et feu à leur voiture. Quelque part dans ce même désert, un jeune aborigène accomplit quant à lui son walkabout, un rite de passage où l’enfant écarté de sa tribu doit apprendre à subvenir seul à ses besoins pour devenir homme. Ces trois jeunes gens vont se rencontrer et, décidant de parcourir un bout de chemin ensemble, ils reforment le schéma familial père-mère-fils tout en apprenant à survivre, à se connaître et à se désirer. Au travers de ces récits croisés, Roeg décline le thème d’un impossible retour à l’innocence, pour les enfants comme pour les civilisations, et explore la nostalgie pour cet état balayé par l’écoulement inévitable du temps. Par une mise en scène et un montage aussi novateurs que virtuoses, Walkabout (absurdement rebaptisé La Randonnée lors de sortie en salles en France) dresse un parallèle entre la découverte de la sensualité, née de la rencontre entre la fille et le jeune homme, et la désintégration progressive de la société de consommation dont les ruines émaillent et défigurent déjà le paysage du monde naturel. Désir de progrès et soif de destruction vont ici, comme souvent, de pair. Le travail effectué sur le son renforce cette impression, notamment celui de la radio accompagnant le trio au long de son périple qui semble ne recevoir que des bribes d’émissions comme autant de vestiges abstraits d’un monde qui s’éloigne à chaque pas que l’on fait pour le retrouver. Roeg emploie ses décors de manière fascinante, soulignant tour à tour le sublime et la menace que recèle la nature dans laquelle évoluent ses personnages, en montrant à la fois la splendeur et l’absolue violence ; une dualité qui trouvera son écho dans l’éclatement spatio-temporel de la narration, notamment au cours de l’ultime scène de chasse du film. Ce regard posé sur la nature rappelle certaines œuvres d’un autre cinéaste anglais qui travaillera dans l’exil, préfigurant Délivrance et surtout La Forêt d’émeraude que tournera John Boorman en 1972 et 1985 respectivement. A la manière du second, Walkabout est aussi le récit d’un choc entre deux cultures. Si le jeune nomade permet à Roeg de mettre en scène la manière de vivre des aborigènes, leurs coutumes et leurs rites, c’est surtout l’imagerie chrétienne qui investit le film et qui lui donne sans doute sa plus belle scène ; un retour dans le jardin d’Eden teinté autant d’innocence que d’érotisme et dont la centralité en fait un point de bascule et de convergence. Le récit qui, plus qu’un voyage, s’avère être un souvenir halluciné, fruit de la crise existentielle de son personnage central, est construit de manière cyclique et la nage candide de la jeune fille dans l’eau transparente d’un lac en est l’épicentre où les éléments de réponse se cachent derrière le voile d’une mystérieuse et troublante beauté.


Walkabout, un film de Nicolas Roeg disponible en DVD aux éditions Potemkine

Publié dans Exhumations

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