En bref : Drive de Nicolas Winding Refn
Si l’envie vous vient de découvrir le nouveau film de Nicolas Winding Refn qui, suite à son succès étonnant, est encore à l’affiche dans de nombreux cinémas, autant vous prévenir, tout comme Le Guerrier silencieux n’était pas un Conan new-look, Drive n’a rien à voir avec Fast and Furious. Loin de là. Peu de bolides lancés à pleine vitesse ou de cascades folles sur les routes que sillonne notre garagiste/cascadeur de héros, et encore moins de bimbos dénudées sur les bas-côtés. Dans Drive, ce sont les personnages qui comptent et la mise en scène de Refn s’applique au cours de la première heure à creuser le rapport à l’autre ou, plus souvent, à l’absence de l’autre, plaçant le driver comme sa voisine face à la solitude de leurs existences respectives. Ces deux là se sont bien trouvés, leur relation nous touche, mais de leur rencontre ne peut naître qu'un second temps, celui de la violence, orchestré dans la deuxième moitié du film comme une partition intimiste qui nous plongerait dans un engrenage infernal. Cette violence esthétisée et parfois à la limite du supportable est loin d’être gratuite. Alors que lentement les tâches de sang recouvrent l’armure du prince charmant, le spectateur découvre l’envers du décor. Le Los Angeles de pacotille s’efface et les masques tombent pour ne laisser paraître que la part sombre de la ville et la nature des hommes qui l’habitent. Au milieu de ce chaos, seule la demoiselle en détresse est idéalisée comme un rêve auquel chacun peut prétendre mais dont aucun ne parviendra à se saisir. Malgré ce ton minimaliste, Refn parvient à insuffler une nouvelle vigueur à un cinéma de genre qui semblait proche de l’agonie et, échappant encore une fois aux attentes de ceux qui suivent de près son œuvre, il parvient à réinventer non seulement le polar en en faisant exploser la structure au travers du spectre du conte de fées mais aussi son propre cinéma qui n’a cesse d’évoluer. Toujours si bien nourri de références et de citations subtiles, Refn délaisse l’inspiration kubrickienne qui dominait ses deux dernières réalisations pour revisiter, à sa manière, Michael Mann, Walter Hill, Friedkin et Boorman. Pour ceux que Drive aura séduits, je ne peux que vous encourager à découvrir les films précédents du jeune danois et à vous plonger dans l’univers de celui qui s’impose toujours davantage comme l’un des cinéastes majeurs de notre temps.